Eloise Hawser
Comment est-ce que votre installation sort de son contexte original ? Que dit votre installation de la situation politique actuelle à plus grande échelle ?
Mes œuvres filmiques et sculpturales sont des réponses spécifiques à la gestion des déchets au Royaume-Uni et à Istanbul. Ces sites ne sont pas des « contextes » au sens propre- ils sont presque toujours cachés et n'offrent pas une idée précise d’espace. Mon travail tente d'extraire un certain « contexte » à partir de ces immenses sites impersonnels. Dans mon film, j'ai attaché une caméra à la pince d’une grue passant au crible un vaste paysage de débris se formant dans le hall de dépôts du site. Mes sculptures, quant à elles, sont composées de matériaux que j'ai récupérés lors du processus de recyclage. Une inspection rapprochée des déchets met en évidence la présence d'usages et de gestes anciens, révélant des lieux ensuite transformés en ordures anonymes.
J'ai eu une expérience surprenante en filmant sur ces sites. Les architectures et les machines au Royaume-Uni et en Turquie sont presque identiques, tandis que les déchets eux-mêmes et certains des processus cachés impliqués sont loin d'être uniformes. Bien que ces sites les traitent comme une « matière première » indéterminée et interchangeable, les examiner de manière plus artistique révèle leur résonances politiques locales et internationales. À Istanbul, par exemple, nous savons que les « ramasseurs » occasionnels influencent la composition de ce qui est livré à la gestion des déchets de la ville. Ces deux flux ont récemment convergé vers un marché international des déchets, la Turquie étant désormais l'un des plus grands importateurs de déchets du Royaume-Uni.
Votre travail explore l’activité humaine et son impact sur les écosystèmes naturels, jusqu'à une substitution complète. Mis en perspective, seriez-vous d'accord avec le principe de Lavoisier selon lequel « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ?
L'un des objectifs de mon travail est de capturer certains des processus et des espaces qui interviennent dans notre gestion des déchets. Les écosystèmes naturels sont inévitablement touchés - la pollution et la mise en décharge en sont les exemples les plus évidents. L'ampleur des infrastructures impliquées dans cette gestion, cependant, suggère un écosystème spécifique - le mouvement des déchets est maintenant global, rythmique et impersonnel. Le nom de la masse de déchets flottant dans l'océan Pacifique a même été naturalisé, le fameux « septième continent ». Cependant, je ne sais pas si le principe de Lavoisier est utile pour réfléchir à cet « écosystème » et à son « continent ». Il me semble que la question du changement climatique concerne ce que les ingénieurs appelle la « masse critique » - un processus qui acquiert de telles dimensions et une telle complexité qu’il conduit à une reconfiguration complète.