
Nina Beier
Peut-on considérer vos œuvres comme les symboles, ou les images, de systèmes en crises ? De quels systèmes en particulier ?
[Dans mon travail] je recherche des motifs mutables et des tropes qui ont été régurgités dans un effort collectif de ‘faire sens’ ; des stocks de motifs visuels qui sont employés et redéfinis encore et encore ; des thèmes élastiques qui persistent à travers les âges, les réalités instables, et qui s’adaptent à toutes les décontextualisations et réinterprétations auxquelles ils sont sujets. Ce sont des symboles qui évoluent, qui se rencontrent, qui se réverbèrent, qui se glissent en dehors d’eux-mêmes et de leur signification, se transformant plutôt que s’épuisant.
Je vois mes œuvres comme des nœuds dont chaque ficelle répondrait à une logique différente. Elles captent les intentions contradictoires coexistant dans chaque entité, et cherchent à exposer la nature paradoxale et changeante de la notion de valeur. En d’autres termes, on pourrait tout autant considérer le cigare comme une forme phallique, une image de labeur, un produit de consommation globalisé, le symbole d’une tradition ancienne motif de fierté, un poison mortel, un signe de pouvoir et de richesse, un emblème désuet du patriarcat…
J’aime creuser ces archétypes culturels pour trouver des objets dont les différentes couches sont riches d’histoires et de problématiques ; des objets sujets à des mutations, dans leur intention, leur production, distribution, commercialisation ou usage. En ce sens, les objets qui représentent des systèmes qui se sont effondrés sont plus faciles à déployer. Et c’est cette information enfouie et confuse qui fonde l’identité de l’image qui m’intéresse. Enfin, j’essaye de mettre en place les possibilités d’un échange entre ces qualités symboliques, afin d’en révéler les structures économiques et de pouvoir qu’elles représentent, qu’elles soient liées aux questions de race, de genre ou de globalisation.